Lourdes 2015.
« Et tous ces cierges grésillent, se calcinent, différents selon leur rang de taille et suivant leur prix ; les minuscules s’effondrent autour d’un pied de mèche qui champignonne, en passant du rouge cerise au noir ; de plus gros, plus lentement, s’épuisent en des ruisseaux d’eau de riz qui se congèlent, peu à peu, en des flaques d’un blanc gras ; d’autres se strient de cannelures et ressemblent avec leurs sillons vermiculés et leurs exostoses aux branches verruqueuses des ormes ; d’autres encore poussent, en quelque sorte, au-dessus de leur mèche et se consument, ainsi que des veilleuses au fond d’un verre qui se gaufre de guipures, se festonne de ramages, de même que les papiers à dentelles des images pieuses. Il y en a aussi de défraîchis, de très vieux, qui se pointillent, comme des nez, de tannes, et des faux, des cierges déshonnêtes dupant l’acheteur et larronnant Dieu, des cierges dont la tige de stéarine est enroulée dans une couche de cire qui pleure des larmes jaunes, tandis que le milieu se fond en ce liquide vitreux dans lequel baigne le pédoncule grillé des simples bougies. » Joris-Karl Huysmans, Les Foules de Lourdes, 1906